Désintégration 4

February 16, 2004

Clothilde, assise face à moi, blonde, ses cheveux dégoulinants en cascade sur ses épaules, ses yeux bleus, merveilleux, merveilleusement vides. Elle me regarde. Autour de moi l'odeur du café. Pas un gramme de cigarette.

Trois secondes plutôt, nous parlions. Un peu d'elle, beaucoup de moi, pour changer. Je ne me souviens plus qui de nous deux à eu cette idée de venir ici, mais elle est excellente. Le silence convient parfaitement. Si Clothilde n'avait pas été là, j'aurais senti mon bouquin et me serait senti chez moi. Un genre de petit paradis.

Je me lève. Pour commander une patisserie. J'ai envie d'un bout de flan. Une pulsion comme ça. Envie de flan. Je sais que Clothilde veut surement quelquechose. Mais je ne sais pas si j'ai vraiment envie de lui faire plaisir. "Tu peux me prendre une part de tarte au pomme ?" Trop tard.

La serveuse est moche, mais tout le monde ne peut pas être beau non plus. Comment ferais-je ?

Je reviens à la table et je lance : "Clothilde est-ce que tu m'aimes ?" Je sais que la question va la troubler. Parce qu'en tant qu'ami, je ne suis pas censé poser ce genre de question. Mais je sais aussi qu'elle va trouver une réponse rapidement. J'ignore laquelle. Probablement un truc pour me refouler gentiment. "Tu sais bien que je t'adore..." Gagné. "Je ne te demandes pas si tu m'adores. Je te demande si tu m'aimes."

Je ne crois pas qu'elle va répondre cette fois. Ses yeux bleus sont fixés sur moi, bien vivants cette fois ci. Je crois qu'elle m'en veut. Je crois que j'ai brisé un truc. Oui, l'espèce de pellicule de vernis que je portais sur moi et qui m'empêchait de voir correctement. Pas de voir non. Clothilde est toujours magnifique avec ses longs cheveux blonds dégoulinants. Juste de percevoir. Jusqu'à présent je ne savais pas si elle m'aimait. Maintenant non plus d'ailleurs. Mais je sais au moins que ça ne lui fait pas plaisir que je lui demande.

Pourquoi je la sauve ?
C'est la question essentielle
Probablement parce que je ne suis qu'un sale lâche !