De l'Internet

June 4, 2010

(tu m'excuseras, ce post contient 8000 fautes, un jour j'apprendrai à me relire avant de poster)

Globalement, je parle jamais du web parce que c'est pas exactement mon fond de commerce ici, je fais plutôt de la page vue quand sont évoqués les fesses de filles de moins de 20 ans. Et puis je fais plutôt dans le sentiment aussi d'habitude.

Je pense qu'on vit une époque formidable. Non, vraiment, sans blague, je suis premier degré quand je dis ça. On sort (vraiment) de cette ère où la communication numérique était un truc de mec en fauteuil roulant mal rasé aux cheveux gras qui mangeait des pizzas froides en regardant NoLife pour passer à un stade où ta mère a envie de monter une boîte qui vend des applis pour l'iPod et où ton meilleur pote de primaire qui est maintenant manutentionnaire chez Auchan à Issy-les-Moulineaux, se prépare à participer à un apéro Facebook avec une fille qu'il a poké 2 ou 3 fois sur Facebook.Il l'a pas "rencontrée sur internet" par contre qu'il te dira, "c'est une des meilleures potes de mon cousin", cousin qu'il n'a pas vu depuis le second mariage de son parrain, en 2001. Internet, c'est un peu devenu naturel pour tout le monde.

Alors on peut dire merci à Facebook. Mais Facebook c'est un peu le minitel, c'est pas exactement l'expression puissante de ce qu'est l'internet. C'est l'usage le plus simple qu'on puisse en faire : se pinger. On se poke, on like sans commentaire tout et absolument n'importe quoi (j'attends avec impatience qu'on puisse liker les like), on s'invite à des events d'un seul clic, on sociabilise sans jamais vraiment se parler au final. On s'envoie juste 512 bytes de données préformattées pour se tenir au courant. La conversation a autant de chance de dévier vers l'inconnu que dans un script de Monkey Island (en beaucoup, beaucoup moins drôle).

"I did, like, invite you or something, I mean, like, it's cool, you know".

En même temps, c'est pas parce que soudainement les gens se sont mis à communiquer à outrance qu'ils ont plus de choses à se raconter en 2010 qu'ils n'en ont eu depuis 6000 ans. Seulement, avec Facebook, et c'est là une des multiples brillantes idées de mon ami David, on dépasse la simple conversation et on révèle ce qui auparavant était inrévélé : dans le cas de Facebook c'est le lien de connaissance que l'on tente d'affirmer. Consciemment ou non, toutes les actions que l'on mène sur le site, c'est pour resouder le lien social avec telle ou telle connaissance du passé ou de l'avenir.

Ce qui me dérange, mais on ne peut pas blâmer Facebook d'en avoir eu l'idée (j'avais eu la même), c'est cette volonté d'asservir tout le reste du web à cet ersatz communicatoire, de transformer un espace de texte en un espace de simple clic. On propose encore partout la zone de saisie pour les commentaires, mais j'attends avec impatience crainte ce moment où la ligne de commande sera totalement remplacée par un nuage de checkbox. Au moins, avec un bouton Like, on est clairement à l'abris du spam. Et quand bien même spam il y aurait, l'incrémentation exponentielle du chiffre à côté du (pas si) petit bouton bleu est toujours bonne à prendre (l'Annonceur est probablement du genre à aimer ça, beaucoup).

La raison pour laquelle je reste encore réfractaire à l'iPad en cet instant précis (je rappelle qu'à une époque reculée j'étais complètement réfractaire à Twitter si c'est une preuve de ma crédibilité) est exactement similaire à celle qui me fait détester le bouton Like. L'espace dans lequel l'iPad permet de se déplacer n'est pas le web, c'est un subset réduit auquel on n'accède que parce qu'une appli validée par Apple veut bien nous y emmener. C'est un pur média de consommation de pings éthérés. Les interfaces sont jolies et le tactile donne ce petit goût de futur à celui qui le consomme, c'est flatteur, on croit enfin toucher à ce que nos parents nous avait promis pour l'An 2000. Mais on n'est clairement pas sur Mars encore. Et je reste, faute d'avoir pu vraiment tester longuement, sceptique face au clavier tactile, le seul vraiment moyen de communiquer avec l'extérieur.

Je suis sceptique aussi quand on me dit que l'iPad va révéler de nouveaux usages. Alors je pense à l'iPhone et j'essaie d'imaginer les nouveaux usages qu'il a créé pour moi. Le fait que je checke mes mails et mes tweets toutes les dix minutes ? En quoi est-ce foncièrement différent de l'attitude de Michaël au collège, qui allait se planquer à chaque interclasse pour vérifier son Tam-Tam, ou de Virginie qui posait ostensiblement son 3210 sur sa trousse décorée de Tip-Exx pendant le cours d'allemand (je ne l'ai JAMAIS vue recevoir aucun message) prétextant qu'elle le posait là "pour avoir l'heure". Le fait que j'écoute ma musique en marchant dans la rue ? Je confesse n'avoir jamais eu de balladeur de CD portable, mais vous aviez sûrement un lecteur de mini-disc et mon père avait un Walkman à cassettes dans lequel il écoutait ses podcasts de France Inter.

Mais je suis de mauvaise foi, comme d'habitude, et les nouveaux usages je les connais, ils sont la sainte Trinité des applications que j'utilise sans cesse : Wikipédia, IMdB et Shazam. Mais c'est à mon sens moins un nouvel usage de l'appareil lui-même (ou de ses frères) qu'une tendance globale à déléguer son savoir au Livre puisque maintenant, on peut être "savant avec un livre" à tout moment, à tout endroit là où avant, il fallait emmagasiner le savoir avec soi pour ne pas passer pour un ignorant. Dans quel mesure "la culture confiture" est-elle encore une expression adéquate pour se moquer puisque la lacune est comblable dans l'instant ? Il ne suffit plus que de connaître l'intitulé et voilà, vous savez tout. Alors on s'invente une nouvelle culture, celle du "tu n'as jamais entendu parler ?" à base de pages censément dignes d'un intérêt ultime où ceux qui savent les trouver (et les trouver en premier) passent pour les plus cultivés.

Et puis il y a cette question que l'on se pose régulièrement de savoir comment on vivrait sans Google, comment on faisait "avant". Avant, on allait à la bibliothèque, on regardait la rosace colorée de Dewey, on cherchait le casier avec les fiches de la section 811 (Poésie américaine) et on épluchait l'index que la documentalite avait rédigé à la main, en lisant effectivement le livre. C'était Google sans les adwords en fait. Ou alors on appelait un spécialiste de la question qui pouvait nous renseigner immédiatement ou nous filer un lien, un livre, où trouver la réponse. Maintenant, tu fais ça en lançant un appel sur Twitter. Et c'est cette manière de faire qui peut nous permettre de combattre l'hégémonie de Google. Faire de la recherche sociale pour contrecarrer la recherche par index. C'est ce que veut faire Facebook, mais Facebook le fait mal, Facebook ne semble avoir aucune volonté philosophique tournée vers le bien. En même temps, c'est pas exactement leur rôle dans la vie que faire le bien, Facebook n'est pas une organisation humanitaire, ils n'ont aucun compte à nous rendre. Mais du coup, leurs boutons Like prennent une saveur un peu acide.

Je l'avais dit ici, mais je crois profondément en l'avenir du texte sur internet. Je ne sais pas comment, mais je suis intimement convaincu qu'il est possible de monétiser la création journalistique et littéraire sans passer par la publicité, sans se ruiner en référencement Google (science occulte que j'associe sans cesse à une technique élaborée de spam). Je n'écris pas pour le référencement Google (et ça se ressent assez bien dans mon piechart Analytics), ça ne m'empêche pas d'avoir un lectorat, faible, mais existant. Qui ne serait nullement prêt à payer pour me lire, faut pas se leurrer. Alors je ne sais pas, mais j'ai confiance, parce que finalement, tout le monde s'en sort toujours à la fin. On est sur l'ÎLE après tout.